2002
AU REVOIR CHER CHARLES ET GRAND MERCI A TOI...
Il faisait un temps gris et humide dans le vallon mégevan cet après-midi là. Il y avait des larmes dans le ciel; il y avait des larmes dans les coeurs et qui roulaient sur les joues rougies. Et il y avait foule pour conduite notre ami Charles dans sa dernière demeure de marbre glacial. Et en écoutant l’office drapé dans les étendards tricolores, je me mis à repenser à mon ami, à notre ami Charles. Et puis il y eu cette longue procession de manteaux sombres à travers Mégève, derrière un corbillard noir comme le cheval qui le tirait...
Permets moi, Cher Charles de t’écrire ces quelques lignes.
Tu es né à Paris le 31 août 1914. La guerre fait rage depuis un mois entre l’Allemagne du Kaiser et nous. Parisien point tu n’es; toi le gosse de parents Savoyards, tu passes ton enfance dans la capitale des ducs et à Aix-les-Bains. Tu fais de brillantes études au lycée Louise de Savoie de Chambéry, études que tu poursuis en médecine à Lyon et à Saint-Etienne, où tu es interne.
Tu es reçu docteur en médecine en 1942, en pleine guerre, encore une fois. Jeune homme plein de fougue, tu sais ce que tu veux et le régime du maréchal ne te convient guère. Tu as maille à partir avec la police de Vichy alors tu décides de venir t’installer à Megève le 7 décembre 1942. C’est encore la Zone dite libre, mais il y a déjà beaucoup à faire pour défendre les libertés et les droits de l’Homme auxquels tu tiens par dessus tout. Tu te lances à fond dans la bagarre avec tes amis Paul Baroud, Maillet-Contoz, Alphonse Dubois ou le gendarme Prunier entre autres, bagarre qui s’amplifie avec l’arrivée des Italiens, puis surtout celles des Allemands en septembre 1943. Tous savent ce que firent les résistants et les habitants du Plateau pour les enfants juifs par exemple et toi tu soignes inlassablement et parfois gratuitement entre deux opérations comme cette affaire Eichenlor... Plus tard, beaucoup plus tard, lorsque la tempête se sera calmée, tu recevras la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance. Mais modeste et généreux tu ne t’es jamais vanté de tout cela mais, par cette froide journée de décembre les Anciens sont là avec les drapeaux. Ils savent eux...
La guerre finie tu continues ton sacerdoce. Homme posé, réfléchi et efficace, restant fidèle au plateau mégevan, tu es « LE » docteur jusqu'en 1989. Tu connais tout le monde et tout le monde te connais.Tu es pour tes patients tout autant le médecin que le confident. Tu es même élu durant 18 années conseiller municipal. .
Amoureux du terroir et de la littérature, tu publies en 1979 ton premier livre Mégève et son passé. Tu acquières une petite renommée mais tu deviens un auteur reconnu avec tes romans Césarine (1983), Les contrebandiers du Val d'Arly (1985), Le Cerisier du Diable (1989), Thalassa un dramatique secret (1990) et Médecin des neiges paru en 1995, tout comme Mégève d'antan. Membre de l'Académie Florimontane, de la Société des Gens de Lettres et de l’Union mondiale des écrivains médecins, Toi que l’on surnomme le « Médecin des neiges », tu es fait chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur et tu reçois en 1992, le prix Région Savoie, pour laquelle tu milites avec force et raison. Tu publies chaque année à tes frais un magazine historique mégevan "Mag Eva", ce dont ne peuvent que se féliciter les Mégevans. Tu aimerais tant, là où tu es que cette revue continue de vivre...
Tu reçois en 1996 la Plume d'Or de la Société des Auteurs Savoyards, société dont tu es un membre très actif depuis sa création. En effet dès que tu appris la fondation de la dite, non seulement tu t’es dit que tu y avais ta place, mais ton coeur, que tu as très grand, t’a dit qu’il fallait que tu l’aides autant que tu pouvais. Nous nous souviendrons longtemps de ta générosité et ce troisième numéro de « Point à la Ligne », c’est un peu pour toi que nous l’avons voulu, toi qui avait si généreusement participer à la parution des deux premiers numéros.
Après soixante années presque jour pour jour passées sur le plateau aus ervice de tes concitoyens, tu es parti dans la nuit du 2 au 3 décembre 2002. Ce jour là, nous avons perdu un ami très cher. Toujours souriant, le bon mot à la bouche, tu aimais la vie comme le prouve ton long combat contre la maladie. Un moment passé avec toi était un instant de gaieté, d’humour et de lumière. Et j’ai presque envie, pour finir, de te raconter une histoire comme tu savais si bien le faire, une histoire sortie de tes tiroirs de carabin...
Au revoir cher Ami Charles. Nous n’oublierons jamais ta silhouette, ta chevelure au vent, ton sourire et tes bons mots. Nous savons tous à la Société des Auteurs Savoyards, ce que nous te devons. Au revoir Charles et grand’maci !